Un cri dans un hôpital… Une naissance. Du sang et de la douleur physique, mais surtout de la joie. Une main masculine serrant fortement une autre féminine, deux sourires qui se répondent.
Un bébé…
Une petite fille.
Sofia, qu’ils l’appelèrent, écrite à l’anglaise afin de faire écho aux origines de son père. Après quelques jours d’observations à l’hôpital, la mère et l’enfant ont pu rentrer à leur maison.
La petite était très attachée à sa mère ; symbole d’amour inconditionnel, dévouée à sa famille, les câlins étaient nombreux et les jeux également. Tant de rires, tant de bonheur… Tout ça pour quoi ? Pour se retrouver abandonnés le mois qui suivit les six ans de la petite Sofia. La génitrice ne supportait plus ce poids écrasant… Elle ne supportait plus l’amour, ni la joie. Trop pour elle, la sorcière partit en laissant tout de même un mot. Mais plus jamais Sofia, ni son père, ne la revirent.
Sentiment d’abandon, peur développée… Pas poussée à l’extrême, mais bien présente tout de même. Voilà ce que la petite brune avait retenu de l’expérience ; ne faire confiance à personne car tout le monde finira par vous abandonner. Vision bien cynique pour une gamine…
Le père, anglais d’origine, finit par emmener sa fille dans son pays, achetant un appartement de taille moyenne dans le centre de Londres, se trouvant du travail, se forçant à aller de l’avant. Il était présent pour sa fille, qui commençait déjà à développer quelques traces de magies. Des vases brisés sous le coup de crises de colère, des chaises qui se déformaient brusquement… Oui, elle serait une sorcière, comme sa mère. Le géniteur ne savait pas quoi en penser, mais il serait heureux du moment que Sofia le serait aussi.
Côtoyer une école élémentaire moldue en étant différente… Pas forcément un bon plan. Le harcèlement fut intense, les accidents encore plus. Un enfant retrouvé sur un toit, une fois, ou bien encore un autre se noyant tout seul dans la cuvette des toilettes… Il ne fallait pas la pousser à bout non plus. La baguette qui la choisit lors de ses onze ans le lui confirma ; bois de cerisier, possédant donc un pouvoir mortel si non maîtrisé. La colère et l’agressivité étaient grandes mais Sofia voulait protéger les innocents. Elle voulait protéger son père. Le monde des sorciers et le monde moldu étaient progressivement envahis par des personnes voulant nuire à d’autres. Sofia avait la haine ; pour qui se prenaient ces personnes qui se permettaient de faire du mal aux autres ?
Gryffondor fut prononcé par le Choixpeau avant même qu’il recouvre entièrement sa tête ; heureuse du choix, Sofia se dirigea sans aucun mal vers la table des rouge et or, acclamée par ses pairs, déjà regardée de travers par les serpents vert et argent. N’ayant au départ aucune opinion sur eux car elle n’avait que très peu entendu parler de Poudlard, elle découvrira pourtant bien vite l’adversité entre les deux maisons.
Partie à Poudlard dans l’optique de ne s’attacher à personne, sa première rencontre lui apprit à revoir cette vision fataliste. Une amitié naquit entre deux fillettes, et elles furent bientôt inséparables. Bien vite, par sa meilleure amie dont le père était Auror, elle entendit parler du métier et l’adopta immédiatement ; elle se savait capable, elle se savait guerrière. Elle se savait soldate, bien qu’elle ne respectât pas complètement les ordres lorsqu’ils lui déplaisaient ou alors qu’elle sentait que quelque chose clochait. Devenant bien vite indépendante, studieuse et consciencieuse, elle était l’une des meilleures élèves de Poudlard, néanmoins en dessous d’un certain Tom Jedusor, dont l’ambition semblait presque dépasser l’égo.
Les matières dans lesquelles elle excellait ? La Défense Contre les Forces du Mal, les Potions et les Sortilèges. Le professeur de Métamorphoses, Albus Dumbledore, su la passionner suffisamment pour qu’elle puisse faire remonter ses résultats ; il n’y avait qu’en Herbologie, dernière matière requise pour être admise à la fin de sa septième année dans l’entraînement des Aurors, où elle avait un peu plus de mal.
Trois premières années irréprochables, son père lui manquait néanmoins beaucoup hors des vacances scolaires. L’homme avait fini par s’intéresser aux évènements du monde des sorciers avec un œil inquiet ; Grindelwald, bien que n’ayant que peu d’impact au Royaume-Uni, avait de plus en plus d’adeptes autour du globe et une guerre se déclencha finalement, bien vite rejointe par une guerre dans le monde des moldus. Appelé pour participer à cette guerre, le père de Sofia se mutila pour pouvoir rester avec sa fille. Déménageant à la campagne, là où le Blitzkrieg ne les atteindrait pas, ils étaient en sécurité et réunis. Un goût amer dans la bouche, la fillette de douze ans comprenait néanmoins ce choix ; son père ne souhaitait pas la laisser orpheline. Elle savait cependant que si la situation avait été inversée, elle n’aurait pas fait le même ; elle aurait préféré combattre les oppresseurs, ceux atteignant gravement à leur liberté. Sa voie était déjà tracée ; elle allait devenir Auror. Elle ne s’imaginait pas faire autre chose.
A Poudlard, sa colère s’apaisa ; sa meilleure amie, toujours là pour elle, arrivait à la canaliser, tout comme ses professeurs, en particulier Dumbledore. Professeur qu’elle affectionnait tout particulièrement, elle le voyait surtout comme le père de tous les enfants de l’école, portant attention à chacun d’eux, n’en délaissant aucun. Ses crises s’apaisèrent et sa baguette lui obéissait maintenant à merveille. Année des B.U.S.E.S. toutefois plus compliquée, l’adolescence la touchant de plein fouet, Sofia apprit à découvrir sa sexualité petit à petit. D’abord intéressée par les filles, puis par les garçons… puis par les deux. Elle devait cependant le cacher, à cause de l’époque. Les sorciers n’étant déjà pas très friands des mariages entre sorciers et moldus, elle se doutait qu’il en serait de même pour deux êtres du même sexe qui osait s’aimer. Premiers amours et premières déception, Sofia ne s’engageait jamais vraiment. Abandonnée par sa mère, elle avait vu les effets de l’amour dans le couple de ses parents. Craignant d’être comme sa génitrice, elle préférait se laisser le temps, mais cela ne convenait finalement jamais. Se concentrant alors uniquement sur ses études, sa passion pour son futur métier ne fit que s’accentuer jusqu’à ce qu’elle obtienne les notes attendues pour la sélection.
Heureuse de constater que sa meilleure amie la suivait également, les deux jeunes femmes prirent un appartement dans le centre de Londres à la fin des deux guerres, travaillant d’arrache-pied pour réussir l’entraînement des Aurors. Ce n’était plus seulement de l’entraînement magique mais également physique et intellectuel. Ce fut trois ans de souffrance, de difficultés, de montagnes à gravir. Durant ces trois années, les deux jeunes femmes apprirent non seulement des techniques de combat beaucoup plus avancées, mais développèrent également des connaissances en forme de magie noire, théoriques et pratiques. Elles apprirent le pistage, matière dans laquelle Sofia aurait pu exceller sans son impatience, la stratégie de combat solo et en groupe, les formations de combat, mais également certaines langues étrangères comme l’allemand et le russe. Elles devinrent de véritables soldates prêtes à servir la cause du Ministère, elles devinrent son bras armé. Elles tissèrent des liens avec leurs collègues, mais pour Sofia, personne d’autre ne comptait plus que sa meilleure amie. Leur relation évolua au fil de leur entraînement ; d’abord imperceptibles, les émotions avaient émergé petit à petit. Puis, après une nuit bien arrosée, sa meilleure amie fit le premier pas. Se sentant plus vivante que jamais, sachant enfin ce que c’était l’amour, le vrai, elle vit qu’elle ne ressemblait en rien à sa mère. Elle n’abandonnerait jamais son amante ; embrassant la passion, embrassant l’Amour, les deux femmes combattirent côte à côte durant des années. Souhaitant intégrer la Brigade d’élite des tireurs de baguette magique, Sofia fut néanmoins refusée à cause de sa réticence à suivre les ordres lorsqu’ils ne lui plaisaient pas. Ne voulant pas risquer un agent qui se placerait lui-même et ses pairs en difficulté à cause de sa manie de se la jouer solitaire, Sofia resta avec le Bureau des Aurors tandis que son amante rejoignit cette Brigade.
Le travail consistait principalement à trouver et capturer les mages noirs en menant des enquêtes dans l’ombre. Pour ce faire, les Aurors pouvaient être envoyés en mission avec la Brigade d’élite et c’est ce qui arriva lorsque la rumeur se répandit que quelques mages noirs voulaient se rebeller contre le gouvernement. Sofia et son amante étaient de nouveau réunies sur le terrain mais rien ne les avait préparées à ce qui allait suivre ; une embuscade. Ils n’étaient pas beaucoup, mais assez pour les prendre par surprise. Les sorts fusèrent, de toutes les couleurs, le combat fut acharné. Un mage noir tomba, puis un deuxième. Mais soudain, un éclair vert jaillit de nulle part et alla frapper de plein fouet son amante.
Un hurlement.
Celui de Sofia.
Sentiments qu’elle avait crus maîtrisés depuis si longtemps qui refaisaient surface d’un seul coup : colère, rancune, haine.
A travers les larmes, elle combattit contre les trois ennemis restants. Un combat acharné, mené par la rage et le désespoir du deuil. Le premier tomba d’un Avada lancé dans la poitrine et Sofia ne réalisa même pas qu’elle ne se maîtrisait plus. Elle se prit un sort dans la jambe, mais, juste avant de mettre un genou à terre face à la douleur et le sang qui giclait, elle tua le deuxième de la même manière que le premier. Puis, vient le dernier, et, dans un élan d’adrénaline, elle se releva en hurlant à cause de sa jambe blessée et lança un Stupéfix qui atteignit son adversaire dans le torse et le fit basculer à la renverse. Puis, un troisième Avada fendit l’air, et le sorcier était mort.
S’écroulant à terre à présent que le combat était terminé, Sofia alla chercher le corps de son amante dans des gestes frénétiques, tremblante, détruite.
Seuls les pas précipités d’une patrouille d’Aurors des alentours vinrent rompre le silence de la nuit noire et de la mort. Des larmes se formèrent au coin des yeux de l’Auror alors qu’elle tenait le corps de sa bien-aimée dans ses bras, ne voulant pas lâcher prise. Mais il fallait bien faire un rapport… Il fallait bien la laisser partir…
Elle entendit l’un des Auror envoyer un hibou au Ministère afin de demander des renforts et ils la transportèrent jusqu’à St. Mangouste pour soigner sa jambe. Une fois remise de sa blessure, elle fut jugée pour avoir fait usage de force mortelle en mission alors que cela était proscrit par la loi. Cependant, tenant compte du fait que cela avait été fait dans la légitime défense, au lieu d’être envoyée à Azkaban, elle fut simplement destituée de ses fonctions, sans avoir la possibilité de retrouver un travail au Ministère.
Un an passa, un an de vide intérieur, de douleur intense, de désespoir. Un an de solitude, car elle avait repoussé le peu de personnes qui avaient fait l’effort de rester dans sa vie. Un an passé dans cet appartement devenu beaucoup trop grand pour elle, où le souvenir de son amante était partout. Un an d’addiction à l’alcool, à se laisser mourir lentement. Un an avant que le Ire Tempore ne la happe de son temps d’origine pour l’amener en 2021.