Les Nott ne trichent jamais. On t’avait élevée avec cet adage, cette croyance que les Nott n’étaient pas hypocrites ; c’était faux, bien évidemment, et la simple pensée te donnait des haut-le-cœur. Si les Nott ne trichaient jamais, pourquoi alors autant de secrets dans leur famille ? Pourquoi autant de morts dissimulées, ou bien encore d’alliances cachées ? A quel moment les Nott avaient viré vers le mal ? Pourquoi avaient-ils décidé de soutenir Voldemort et tous les autres puristes du sang ?
Nott. Tu tires ton nom de la Nuit, de Celle qui précède le jour et qui fait sombrer le monde dans la beauté du soir. Elyona. Ce nom tiré de l’Hébreu te donne ta puissance, comparable à celle d’un Dieu. Tu es fière de ton nom ; du moins, tu l’es maintenant…
Ta mère est morte dans des circonstances floues ; tu sais seulement que tu n’as jamais eu la chance de la connaître, car elle est décédée peu après ta naissance. Selon Theo, ton frère, c’était une femme déjà d’un certain âge mais incroyablement douce et bienveillante, contrairement à votre père, qui lui était un homme cruel, ne pensant qu’à l’argent et au pouvoir… et au sang. Tu ne sais pas pourquoi, tu as toujours eu l’impression que ton père t’en voulais ; il ne te remarquait jamais, ne te regardais jamais en face. Tu n’étais rien pour lui, sinon une Sang-Pur à marier pour préserver la lignée. A ses yeux, tu n’étais pas spéciale… Tu prenais juste de la place. L’enfant joyeuse que tu étais, qui courrait partout et qui passait des rires aux larmes en un clin d’œil, toi qui étais si expressive, tu as dû apprendre à te cacher, à te renfermer sur toi-même. Tu ne voulais pas énerver ton père ; tu voulais seulement sa reconnaissance. Tu voulais seulement son amour. Mais, bien que tu affiches un air sérieux en permanence et que tu ne parles que très peu, à l’intérieur, ton âme hurlait pour s’exprimer ; tu ne te sentais pas à l’aise chez toi… Tu n’étais bien qu’à Poudlard. Mais même là-bas, tu ne pouvais pas être véritablement toi-même.
L’été qui précédait ton arrivée à Poudlard, tu n’avais pas été autorisée à voir la finale de la Coupe du Monde de Quidditch, bien que ton père et ton frère s’y soient rendus, eux. Tu ne savais pas pourquoi mais tu avais appris à ne pas poser de question. Cependant, ton frère t’a révélé en rentrant le lendemain que la nuit, de terribles crimes avaient été commis par les Mangemorts. Ce n’était à moitié qu’un secret ; votre père était un fervent partisan du mage noir lors du règne sans merci de ce dernier sur le monde des sorciers, et tu le soupçonnais donc d’avoir joué un rôle dans la tuerie et tortures de plusieurs moldus cette nuit-là. Peut-être était-ce pour cela que tu n’avais pas été autorisée à venir ?
Malgré ce drame que tu ne cautionnais pas du haut de tes onze ans, tu t’apprêtais à partir pour Poudlard et tu étais heureuse. Tu savais que tu allais être à Serpentard, tu l’espérais, même. Après tout, c’était une tradition familiale et tu comptais bien ne pas décevoir ton père encore plus que tu ne le décevais déjà. Tu es donc arrivée à Poudlard en septembre 1994, soit l’année du Tournoi des Trois Sorciers. C’était l’évènement le plus excitant depuis la chute de Voldemort dans votre monde et tu étais impatiente de regarder ce Tournoi. Tu espérais que Theodore, en tant que grand sorcier pour son jeune âge, veuille y prendre part, mais ton frère a toujours été plutôt silencieux, prenant part aux activités dans l’ombre, jamais sous les feux de la rampe. Tu espérais alors que Draco se présente, mais finalement, il a été décrété qu’en raison de la dangerosité du Tournoi, seuls les sorciers âgés de 17 ans seraient autorisés à participer. C’est pour cela que toute l’école fut scandalisée, et toi aussi, alors que Harry Potter fut choisi comme le second concurrent de Poudlard. Quelque chose ne tournait pas rond ; au départ, comme tous tes camarades, tu pensais qu’il avait triché pour être admiré de tous. Mais tu reconnaissais ce regard ; c’était le regard de quelqu’un qui n’avait rien demandé, qui voulait faire profil bas et qui ne voulais pas être dans un Tournoi où il risquait sa vie.
Comme ton frère, tu agissais dans l’ombre. Chez les Nott, cela devait être une habitude. Tu n’arrivais pas à te faire d’amies parmi tes camarades féminines de Serpentard ; tu ne savais pas comment agir en leur présence. Tu trainais de temps à autres avec ton frère, qui lui trainait avec Draco Malfoy et sa bande, mais tu parlais peu, voire pas du tout, te contentant d’observer. A l’évidence, toute l’école vous considérait comme de mauvaises personnes. En ce qui te concernait, tu n’étais pas mauvaise, et tu savais que ton frère non plus ; en revanche, tu te considérais comme lâche de ne pas intervenir lorsque tu voyais un Poufsouffle se faire harceler par des Serpentards plus grands, ou alors lorsque Draco traitait Hermione Granger ou n’importe quel autre Né-Moldu de Sang-de-Bourbe. Bien que tu aies été élevée sous l’adage des Sang-Purs étaient supérieurs, tu te détachais petit à petit de cette croyance grâce à l’enseignement de tes professeurs, notamment Minerva McGonagall, mais tu ne faisais rien pour te rebeller ; tu n’osais pas.
La fin de ta première année marqua le retour de Lord Voldemort à la vie, ainsi que le décès de Cédric Diggory, le Poufsouffle qui avait participé avec Potter au Tournoi des Trois Sorciers ; tu ne savais que penser de cette nouvelle, d’autant plus que la Gazette du Sorcier traitait le Survivant et Dumbledore, qui le soutenait, de menteurs. Mais la Gazette disait-elle la vérité ou se fourvoyait-elle ? Ton père était absent de plus en plus souvent, cet été-là, et toi et Theodore ne le voyaient que rarement. Il prétextait avoir toujours plus de travail, mais vous sentiez que quelque chose n’allait pas. Mais que pouvais-tu faire du haut de tes 12 ans ? Rien. Tu te contentais alors d’observer.
Ta deuxième année à Poudlard arriva ensuite à grand pas. Si le professeur de Défense Contre les Forces du Mal t’avait énormément appris et t’avait inspirée à travailler avec acharnement dans cette matière, tu constatais que la femme envoyée par le Ministère de la Magie n’aurait pas le même effet ; c’était une femme austère, qui prenait plaisir à faire du mal aux élèves. Tu le constatais alors que plus tard dans l’année, tu tombais sur un élève de Poufsouffle qui avait une cicatrice sur la main où était inscrit : « Je ne dois pas participer à des organisations secrètes. » Le geste t’avait terrifiée, et tu faisais profil bas auprès d’elle. Ton frère, lui, s’était enrôlé dans une organisation travaillant pour le compte d’Ombrage et il aidait à la capture des membres de l’Armée de Dumbledore. Cette année-là, tu t’éloignais un peu de Theodore, n’aimant pas sa manière d’aller là où il y avait le plus de profits. Mais tu ne pouvais pas lui en vouloir ; vous aviez été élevés de cette façon. Et tu n’étais pas très honorable non plus… Après tout, tu ne tentais rien.
A la fin de l’année, toi et ton frère reçurent la nouvelle que votre père était enfermé à Azkaban car il avait été reconnu comme Mangemort, se battant aux côtés de Voldemort contre Harry Potter et les membres de l’Armée de Dumbledore et de l’Ordre du Phénix au Ministère. Tu n’étais pas surprise de cette nouvelle, et tu en étais même soulagée. Ton père ne serait plus là, sa silhouette malveillante au-dessus de vous chaque jour. Tu avais enfin trouvé une certaine liberté, mais il faudrait toujours que tu fasses attention, car tu ne savais pas si Theodore souhaiterait marcher dans les pas de votre père… Cette année vous ayant éloignés, tu espérais tout de même que Draco Malfoy ne l’ait pas trop embobiné.
Ce fut le meilleur été de ta vie ; toi et ton frère étiez la plupart du temps seuls dans votre grand manoir et vous étiez libres de faire ce que bon vous semblait. Vos Elfes de Maison avaient reçu pour ordre de vous surveiller et de continuer à prendre soin de vous, alors, vous n’étiez pas complètement laissé à l’abandon. Vous aviez été placé sous la bonne garde de votre parrain, un membre de la famille Fawley, qui passait vous voir de temps en temps. Tu devenais progressivement toi-même mais tu restais toujours sur tes gardes envers ton frère ; il semblait avoir parfaitement intégré le concept de suprématie des Sang-Purs, mais cela te faisait peur ; c’était donc un sujet tabou entre vous. Theodore te faisait réviser et te mettait même en avance sur certains sortilèges de troisième année, afin que tu deviennes meilleure que les autres. Tu avais l’impression qu’il s’inquiétait pour toi, qu’il voulait que tu deviennes puissante rapidement. Cela ne te dérangeait pas, bien au contraire. Tu aimais apprendre et Theodore était quelqu’un de pédagogue.
Le début de ta troisième année ne fut cependant pas si joyeux que ton été ; toi et Theodore étiez considérés comme des pestiférés puisque votre père avait été publiquement reconnu comme Mangemort. Les amis de Theodore mis à part, dans le meilleur des cas, personne ne vous adressait la parole ou dans le pire, on vous insultait. La haine et la peur éprouvées contre vous étaient telles qu’Horace Slughorn, le nouveau professeur de potions, ne vous avait même pas invité pour ses réunions, bien que vous fussiez tous les deux de très puissants sorciers pour vos âges. Alors que tu pensais pouvoir te faire des amis à partir de ta troisième année, ce ne fut pas le cas, et tu passais toujours autant de temps seule, dans la bibliothèque, ou bien avec ton frère qui lui s’était un peu retiré de la bande de Draco Malfoy.
Rien ne t’avait préparé pour ce qui allait suivre ; à la fin de l’année, des Mangemorts envahirent Poudlard et tuèrent Albus Dumbledore, le directeur de l’école que tout le monde admirait. Cet acte marqua la fin de Poudlard tel que tout le monde la connaissait. Tu savais ce que cela signifiait ; Voldemort allait bientôt prendre le contrôle du pays et ton père allait être libéré. La peur s’empara de tes entrailles, lancinante et terrible. Tu ne savais pas quoi faire ; tu ne voulais pas rentrer chez toi mais ayant seulement 13 ans, tu n’avais pas le choix. Cet été-là, en 1997, ton père rentra effectivement d’Azkaban pour servir son Seigneur. Il voulait entraîner Theodore dans la voie des Mangemorts et tu ne pouvais rien faire pour empêcher cela. Une nouvelle fois, tu te laissais emprisonner dans une cage dorée et tu ne disais rien.
L’année suivante fut terrible ; Voldemort avait en effet pris le contrôle du pays et de l’école Poudlard. Les Carrow avaient rejoints le corps enseignant en tant que « professeurs de Défense Contre les Forces du Mal », mais ils voulaient surtout que les plus grands torturent les plus jeunes, notamment les Nés-Moldus. Jusqu’à ce jour, tu as honte de tes actes ; tu as honte de ne pas t’être rebellée, de ne pas avoir agi plus tôt. Tu as fait ce que les Carrow demandaient. Ce n’était clairement pas par gaieté de cœur et la plupart de tes Sorts Interdits ont donc échoués. Lorsque c’était le cas, les Carrow te menaçaient de torture. En tant que Sang-Pure et fille de Mangemort, tu étais mieux traitée que la moyenne, mais le frère et la sœur pouvait voir ta réticence et tu avais donc besoin de… motivation, pour torturer les plus jeunes. Tu étais haïe par tes pairs, de même que ton frère et tous les autres Serpentards. Tu le vivais affreusement mal et tu te demandais quoi faire.
L’arrivée d’Harry Potter à Poudlard, ainsi que le débarquement de toute la résistance, l’Ordre du Phénix, te fit comprendre qu’il était temps d’agir. Tu ne devais plus avoir peur ; tu devais te battre et tenter de trouver la rédemption pour tes actes. Alors, dans la cohue générale, durant l’évasion des Serpentards des cachots, tu partis sur le champ de bataille. Tu n’avais que 14 ans mais tu avais une bonne connaissance des sortilèges offensifs et défensifs, et ton pouvoir était puissant. Toutefois, tu fus gravement blessée à la jambe par un maléfice et tu dû te replier. Luttant pour rester en vie, la respiration sifflante, tu pensais que ton heure avait sonnée. Finalement, était-ce si mal que ça ? Tu allais mourir en ayant tenté de faire ce qui était juste… Mais tu ne mourus pas. Tu vis, à travers l’épais brouillard qui commençait à se former dans tes yeux, ton frère Theodore te supplier de rester en vie. Tu te souviens avoir passé quelques jours à St. Mangouste, dans les bons soins des Médicomages. A ton réveil, Theodore t’apprit que la guerre était finie, que Potter avait gagné et que Voldemort était mort. Votre père avait été tué dans la bataille, et ton soulagement fut si grand que des larmes de joies percèrent tes yeux. Theodore avait toujours été très secret sur ce qu’il pensait réellement de votre père, mais il savait que maintenant, tu allais pouvoir vivre une vie normale et pour cela, il était heureux.
Tes années suivantes à Poudlard furent beaucoup plus faciles. Le poids d’être une Nott pesait plus léger et tes pairs se souvenaient que tu avais participé à la bataille de Poudlard en étant de leur côté. Tu ne t’approchais cependant pas trop des autres, consciente de tout le mal que tu avais fait durant l’année précédente. Mais, un beau jour, alors que tu étais à la bibliothèque comme à ton habitude, pour échapper au monde qui t’entourait, un garçon de ton année s’approcha de toi. Tu le reconnaissais ; c’était Dennis Creevey, un Gryffondor qui, avec son frère malheureusement décédé dans la bataille, passaient leur temps à courir derrière Harry Potter et sa clique. Tu savais que c’était quelqu’un de gentil et, progressivement, une amitié naquit entre vous. La disparition des Mangemorts et de Voldemort avait provoqué une paix qui semblait durable entre les Gryffondors et les Serpentards, et c’était très bien ainsi.
Votre amitié pouvait paraître étrange aux yeux des autres ; lui était Né-Moldu, toi Sang-Pur et fille de Mangemort. Et pourtant, une compréhension mutuelle s’est vite installée. Vous aviez chacun tant perdu durant la guerre mais finalement, vous vous étiez trouvé l’un l’autre. Vous ne vous quittiez plus jamais et devinrent meilleurs amis, montant en puissance tous les deux.
